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Procédure conventionnelle de licenciement : la saisine d’une commission de conciliation est limitée aux motifs qu’elle vise

Si la liberté d’opinion d’un journaliste bénéficie de garanties conventionnelles spécifiques, elles ne peuvent être généralisées à tout litige. Ainsi, la saisine d’une commission de conciliation, prévue en cas de litiges liés à l’exercice de la liberté d’opinion, ne peut être étendue aux litiges relatifs à la liberté d’expression. C’est ce qui ressort d’un arrêt de la Cour de cassation du 18 septembre 2019.

L’affaire : une procédure conventionnelle propre aux journalistes

Après avoir adressé à sa responsable hiérarchique, de nombreux courriels agressifs qui mettaient en cause ses compétences, avec en copie l’ensemble d’un service, un journaliste a été licencié pour faute grave le 31 décembre 2012.

Arguant du défaut de saisine par son employeur de la commission paritaire de conciliation prévue à l’article 47 de la convention collective (CCN journalistes du 1er novembre 1976), le salarié a saisi les juges pour faire constater une absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement.

La cour d’appel, comme la Cour de cassation, ont considéré, que la procédure applicable au licenciement avait été respectée car la garantie procédurale invoquée n’avait qu’un caractère facultatif.

Idem pour la procédure de conciliation préalable prévue par l’article 3, B de la CCN. Celle-ci prévoit la saisine obligatoire de la commission paritaire de conciliation de l’article 47 pour les litiges relatifs à « l’expression publique de l’opinion des journalistes ». Pour les juges, cette procédure spécifique, qui concerne les litiges relatifs à la liberté d’opinion des journalistes, ne s’imposait pas compte tenu du motif de rupture invoqué.

Autrement dit, les juges ont, en quelque sorte, considéré que le licenciement, qui était motivé par une faute grave relevant à notre sens davantage d’un abus de liberté d’expression, ne relevait pas de la procédure conventionnelle propre aux liges relatifs à la liberté d’opinion.

Cette lecture est en phase avec la jurisprudence de la Cour de cassation, selon laquelle une garantie procédurale ne s’applique, que dans le cas précis pour lequel elle a été prévue (cass. soc. 22 juin 2011, n° 09-42697, BC V n° 164).

Au final, la saisine préalable de la commission paritaire de conciliation n’était donc obligatoire ni au titre de l’article 3, B ni de l’article 47 de la CCN et la procédure de licenciement était donc régulière.

Mais pourquoi le journaliste avait-il soulevé cet argument ?

Certaines conventions collectives instituent une procédure particulière de licenciement, avec une possibilité de saisine d’un conseil de discipline ou d’une commission d’interprétation et de conciliation.

À l’époque des faits (décembre 2012), la jurisprudence opérait une distinction, selon que la procédure conventionnelle était une garantie de forme (formalisme de la notification par exemple) ou de fond (comme la saisine obligatoire d’une commission de conciliation), auquel cas sa méconnaissance portait atteinte au motif de licenciement en lui-même selon une jurisprudence constante.

Concrètement, le salarié espérait obtenir une condamnation de l’employeur pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, pour violation d’une garantie de fond à raison du non-respect de la saisine de la commission paritaire de conciliation. Ce en quoi il a échoué, puisque la cour d’appel, puis la Cour de cassation ont retenu que la procédure était facultative.

On soulignera que si le licenciement était intervenu aujourd'hui, le litige ne se serait en tout état de cause pas présenté sous les mêmes auspices.

Pour les licenciements notifiés depuis le 24 septembre 2017. Les ordonnances Macron ont en effet mis fin à cette jurisprudence sur les garanties de fond, en en faisant de simples irrégularités de procédure, dès lors que le licenciement est par ailleurs justifié. En effet, il est désormais prévu que « lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d'un salarié intervient (….) sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, une indemnité à la charge de l'employeur qui ne peut être supérieure à un mois de salaire » (c. trav. art. L. 1235-2).

Cass. soc. 18 septembre 2019, n° 18-10261 FSPB

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